Normal
Comme on peut le voir ces jours-ci sur le site de Météo-France, l'hiver 2014-2015 qui s'achève (rappel : l'hiver météorologique se compose du trimestre décembre-janvier-février) fut parfaitement normal :
La bulle correspondant à notre hiver se trouve presqu'exactement en plein centre de ce graphique : température et précipitations quasiment égales à la normale. Ce graphique très parlant montre que, depuis 1959, il y a une quantité d'hivers qui se sont nettement écartés de cette normale, il y en a même beaucoup plus que des hivers compris, disons, dans le carré (-1,0/1,0 et 90-110%) qui correspondraient à des trimestres proche des normales pour ces deux paramètres. Je ne rentrerai pas ici sur le débat de l'adéquation de ces chiffres avec le ressenti que nous pouvons en avoir, éminemment subjectif, et souvent trahi par une mémoire sélective.
Ce qui m'intéresse et m'interpelle, c'est le décalage évident qu'il y a entre le sens commun qu'on accole à ce mot "normal", et la réalité. En vérité, parce qu'on a besoin d'une référence pour qualifier les choses, on mélange ici normal et moyen. Ca ne me pose naturellement pas de problème de principe, sauf que si l'on se réfère à la définition de "normal" (donnée par larousse.fr), on englobe un grand nombre de réalités différentes :
- Qui est conforme à une moyenne considérée comme une norme, qui n'a rien d'exceptionnel
- Qui est conforme à la nature d'un être, d'une chose, à l'organisation de quelque chose
- Qui est conforme au plus habituel, qui ne surprend ni dans un sens, ni dans l'autre
- Qui est conforme à ce que l'on pense être juste, équitable
- Qui est prévisible, logique, compréhensible
Où l'on s'aperçoit que notre normale météorologique colle parfaitement à la première définition, mais vraiment très mal, voire pas du tout, aux autres. Là où cette question du normal m'interpelle, c'est qu'on passe une partie plus ou moins grande de son temps à se demander si on est bien "normal", si cette réaction, cette action, sont normales, etc..
Or, de même qu'un climat normal n'a, à bien des égards, rien de normal, si on s'en refère à la plupart des définitions ci-dessus, chaque individu est avant tout unique, et certainement très peu normal, car cela supposerait qu'il soit moyen en tout, conforme à la nature de l'Homme (qui sait la définir précisément ?), jamais surprenant, collant parfaitement à l'idée qu'on s'en fait (elle même variant selon les individus), et parfaitement prévisible, logique... Bref, un être qui n'a aucune chance d'exister.
Si personne n'est normal, pourquoi ce besoin incessant de se comparer à un concept abstrait ? Probablement parce que ça rassure, ça donne l'illusion de conformité avec le groupe, et que ça peut ainsi limiter le rejet, en déformant sa personnalité pour coller à cette supposée norme. D'une certaine façon, c'est nier son individualité, refuser d'exister.
Cela fait de nombreuses années que je ne me considère plus comme "normal", mais la (relative) solitude qui est la mienne, que je vois comme une des conséquences de cela, me renvoie pourtant périodiquement à ce genre de réflexion, à l'idée qu'il faudrait que je rentre davantage "dans la norme" pour me sociabiliser davantage. En fait, je n'aime pas les normes de la société, que je vois comme autant de croyances limitantes, qui s'imposent plus ou moins à nous. Je reconnais cependant que c'est parfois compliqué d'assumer sa différence, mais ça vaut le coup d'essayer, car c'est ce qui dévoile la richesse des gens, je m'y efforce, bien que souvent dans mon coin. Vive l'anticonformisme !
C'est dingue comme ça peut laisser divaguer l'esprit, un article écrit par des collègues sur "un hiver normal"...! C'est dingue, mais je vais devoir malgré tout continuer à parler de ces fameuses "normales" météo, dans leur sens si réduit, mais si nécessaire scientifiquement !