2022 : année de bascule(s) ?
Je me remets donc au clavier pour écrire, bien plus tard que ce que j'imaginais ou supposais lors de mon précédent billet, il y a plus d'un an. Quelques jours après ce dernier billet, j'ai attrapé le Covid, plutôt bénin pour moi sur le moment, mais qui m'a laissé quelques effets indésirables pendant près de 3 mois tout de même, particulièrement celui d'assez mal supporter la luminosité des écrans sur la durée. Pas pratique pour écrire sur ce blog... Fort heureusement, cet effet principal s'est estompé durant le printemps, et j'ai pu reprendre une activité normale. Mais pas de nouveau billet.
Comme on pouvait le craindre et s'y attendre hélas, l'éléction présidentielle n'a pas permis de mettre le sujet climatique au premier plan de nos préoccupations. A quelques nuances près, on poursuit donc sur cette même trajectoire inquiétante pour notre avenir collectif. Ce sentiment a été renforcé par la situation météorologique tout à fait particulière que nous avons connue lors de la saison chaude 2022 en Europe, et particulièrement en France. La chaleur est arrivée dès la fin du printemps, pour ne plus vraiment nous quitter avant l'automne, donnant l'impression d'un été très long, et chaud.
On voit sur le graphique ci dessus que les températures ont été quasiment constamment, et souvent nettement, au dessus des normales de saison pendant l'été météorologique (juin-juillet-août). A cette première caractéristique s'est ajoutée une sécheresse spectaculaire qui a fait la une des journaux par ses effets : manque d'eau dans certaines communes ou zones, et gros incendies dans des régions peu habituées, sur la façade Atlantique, jusqu'en Bretagne (Monts d'Arrées).
Sur cet autre graphique, on voit que le couple température et pluviomètrie de cet été 2022 le rapproche fortement de celui qui reste une référence en terme d'OVNI climatique récent jusqu'à ce jour : l'été 2003. Chaleur et sécheresse, le cocktail parfait pour déssécher la végétation et les sols superficiels, ainsi qu'un effet croissant avec le temps sur l'état des nappes phréatiques plus profondes. Cet été a été marqué, de façon tristement habituelle maintenant, par des records de température spectaculaires cette fois en Bretagne : le 18 juillet, on a par exemple relevé 40,5°C à Rennes et 39,3°C à Brest ! Ce 18 juillet 2022 a été la journée la plus chaude, tous mois confondus, depuis le début des relevés avec une moyenne des températures maximales de 37,6°C à l'échelle nationale !
J'avoue avoir pensé plusieurs fois pendant l'été à reprendre le clavier pour commenter tout cela. Peut être qu'il y avait un peu de sidération face à la violence de cet été météorologique, de résignation face à notre impuissance collective consentie, peut être que j'attendais de voir si cela pouvait être encore pire par la suite, toujours est-il que je ne l'ai pas fait, et que les semaines et mois se sont succédé. A Paris, l'été a bien sûr été très chaud comme partout, mais aussi très sec, ce qui a heureusement rendu les nuits plus supportables, grâce à des taux d'humidité régulièrement bas. J'arrivais la plupart du temps à faire un petit courant d'air agréable la nuit. A partir de la mi-septembre, j'ai accueilli le retour d'une relative fraîcheur avec soulagement, après un été globalement éprouvant.
Avec tous les sujets sur les 3 vagues de chaleur de l'été, dont 2 longues, un record, la sécheresse et les incendies dans les médias, on peut penser qu'il y a eu une certaine prise de conscience de la gravité de la situation. Sans affirmer comme on a pu l'entendre parfois que "l'été 2022 serait le plus frais du reste de notre vie", mes collègues ont pu établir qu'un été 2022 serait relativement normal d'ici une trentaine d'année, au milieu du siècle. Ce qui signifie donc avec des étés moins chauds et secs, mais aussi, et surtout, des étés plus chauds, et secs, probablement nettement plus chauds pour certains même. Il n'était donc pas incongru de voir en ce terrible été 2022 une sorte de bande-annonce de notre futur climatique à moyen terme, de quelques décennies à peine.
J'ai perçu un léger mais réel changement de ton dans la façon de parler de ces sujets dans les médias, certaines rédactions ont d'ailleurs pris suite à l'été des mesures fortes de formation sur ces sujets de leurs journalistes, ont adopté des chartes, bref, quelque chose a vraiment changé dans ce monde là, si important dans la prise de conscience collective, en cet été 2022. Première bascule, durable et forte, espérons le (l'avenir nous le dira...)
Pour conclure ce volet climatique, l'année 2022 a été, de loin, l'année la plus chaude jamais enregistrée en France depuis 1900. Record qui était jusqu'ici détenu par l'année... 2020. Qui avait elle-même détrônée l'année.... 2018. Qui avait elle-même détrônée l'année.... 2014. Qui avait elle-même détrônée l'année...2011 !
Il faut bien avoir ce graphique en tête, très parlant, de l'évolution des températures en France depuis 1900. Ce qu'on observe maintenant depuis une quarantaine d'années est très net, et sans équivoque avec des conséquences d'ores et déjà très importantes sur notre environnement.
D'autres bascules ?
2022 a été également marquée par le retour de la guerre en Europe, en Ukraine. Sans que ce soit une réelle surprise, ce fut un drame dont on ne voit guère l'issue, plus d'un an plus tard. Cela nous a sans doute fait basculer davantage et/ou plus rapidement vers un monde plus sécuritaire pour nous défendre dans un ordre mondial incertain. Mais cela a aussi fait flamber le prix de certaines matières premières, notamment énergétiques, au coeur de nos économies. Déjà mise en place par la forte reprise post Covid de l'économie mondiale, l'inflation a ainsi flambé en 2022 après des décennies de prix plutôt stables sous nos contrées. Le président Macron a annoncé fin août que nous entrions dans "la fin de l'abondance", évoquant lui-même avec lucidité une grande bascule.
Début 2023, il apparaît que la situation se dégrade pour une grande majorité de la population qui voit son pouvoir de vivre/achat sensiblement diminué, mal compensé par les hausses de salaire, tandis qu'une petite minorité engrange des profits records, dans les très grandes entreprises, particulièrement pétrolières et gazières. Pas de fin d'abondance pour tout le monde, en tout cas, bien au contraire. Ce sujet des inégalités croissantes dont on ne voit pas le bout m'inquiète particulièrement pour le futur, s'il n'est pas pris à bras le corps : comment continuer à faire société ? La transition vers une société plus durable et écologique doit embarquer/concerner tout le monde, pas ceux qui en ont les moyens seulement, sinon ça ne marchera pas...
Sans parler d'une crise économique sévère qui couve, on le voit bien, avec une importante nervosité boursière ces derniers mois, et des dettes qui explosent conjointement avec la hausse des taux d'intérêt. Je me suis intéressé un peu plus sérieusement à tous ces sujets l'an passé, pour essayer de mieux comprendre, voire anticiper, le monde qui vient. Tout cela est objectivement inquiétant.
Est-ce un effet d'une forme d'âge ou de maturité, ou simplement la réalité de 2022/2023, mais j'ai eu l'impression très nette, pour la première fois l'an passé, que la partie la plus simple, légère, de mon existence, était définitivement derrière moi. Qu'à partir de maintenant, les choses allaient devenir plus dures. Pas nécessairement de façon brutale et importantes, mais petit à petit : vivre le déclin, tout simplement. Une décroissance souhaitable, mais beaucoup moins si elle est subie, sous forme de restrictions progressives. Il se trouve que ça coïncide avec le fait que j'avance dans la quarantaine, statistiquement au milieu de ma vie, donc, et que je reconnais qu'il est difficile de résister à une forme de nostalgie de la jeunesse. D'autant plus face à des perspectives d'avenir de toutes parts peu réjouissantes.
A titre individuel, je ne suis vraiment pas à plaindre, j'aime mon métier, ma vie globalement, et j'essaie de prendre soin des choses et des gens autour de moi. J'ai bien du mal à me projeter dans le futur, mais j'aurai toujours un point de chute, un refuge, notamment en Corse, même si les étés y deviennent bien chauds hélas. D'autre part, cette époque est passionnante, parce qu'elle est malgré ce triste constat foisonnante d'initiatives pour se préparer malgré tout au choc climatique qui vient, et que je crois que la prise de conscience est réelle et profonde, même si ses effets de masse se font encore désirer. Il y a là quelque chose d'enthousiasmant. J'ai participé au soutien de cette belle entreprise Time For The Planet (https://www.join-time.com/fr) qui est en train de réussir de belles choses, innovantes.
Le monde change, plutôt vite, et nous allons vers un futur plus écologique, durable, ça ne fait guère de doute. La seule question est de savoir à quelle vitesse y arriverons-nous, avec combien de degrés supplémentaires de réchauffement et donc, quel coût humain...
Autre exemple qui me vient en tête : l'intelligence artificielle, avec l'arrivée tonitruante en fin d'année 2022 de ChatGPT, ce nouvel agent conversationnel assez révolutionnaire. En effet, il répond à toutes les questions, sur tous les sujets, et bien souvent avec une pertinence qui n'aurait rien à envier à un être humain, parfois même un humain bien renseigné sur certaines questions. Je ne l'ai pas testé moi-même, mais les très nombreux exemples que j'ai pu consulter sur les réseaux sociaux notamment (Twitter pour moi) sont souvent bluffants. C'est la première fois que je vois une intelligence artificielle de ce niveau. Je ne prétends pas suivre le sujet de près, loin de là, mais c'est cette conjonction d'une irruption grand public/performance intrinsèque qui me semble constituer une bascule en la matière. Les professeurs, par exemple, voient de nombreux devoirs à la maison arriver, qui s'avèrent rédigés par ChatGPT. Souvent meilleurs que des copies médiocres. Cela interroge sur la façon d'exercer leur métier. Et ce n'est qu'un domaine parmi d'autres...