L'irruption volcanique
Avant toute chose, une bonne année 2022 aux éventuels lecteurs de ce blog un peu abandonné. Peut être qu'il le sera un peu moins cette année, car je commence à ressentir un peu plus le besoin d'écrire, pour partager quelques réflexions et témoigner de la marche de ce monde complexe et tourmenté.
Finalement, c'est un événement survenu hier samedi 15 janvier 2022, à 04h10TU (5h10 heure de France) à l'autre bout du monde, qui me donne l'occasion de reprendre ma plume numérique : la violente éruption du volcan Hunga Tonga Hunga Ha’apei dans l'archipel des Tonga, Pacifique Sud. Un événement aussi difficilement prévisible que spectaculaire, que j'ai d'abord découvert sur Twitter hier matin, lors d'une vacation à Météo-France. En effet, les images du satellite météo japonais Himawari qui couvre cette zone sont d'un genre que je n'ai pas souvenir d'avoir déjà vu. On passe en moins d'une heure d'un ciel assez dégagé et d'un temps calme, à un gros "champignon" de 400km de diamètre !
Lors de ma pause déjeuner, après en avoir vu d'autres, souvent moins zoomées, j'ai pris un peu de temps pour créer une petite animation satellite specifique pour garder en mémoire l'événement que j'ai tweetée en répondant à mon collègue et ami Etienne Kapikian :
Un petit zoom Synopsis sur la zone, pas banal de voir un développement aussi rapide au satellite ! pic.twitter.com/1u0OiJNAiu
— François Gourand (@FGourand) January 15, 2022
Ce qui est incroyable, c'est à quel point on visualise bien l'onde de choc émise par la violence de l'éruption, et sa propagation rapide dans toutes les directions autour du site de l'éruption. Une alerte au tsunami a été émise sur tous les rivages du Pacifique, de l'Australie au Japon aux côtes américaines, et le tsunami a été significatif aux îles des Tonga voisines, comme on peut le voir dans le tweet ci-dessous :
Stay safe everyone 🇹🇴 pic.twitter.com/OhrrxJmXAW
— Dr Faka’iloatonga Taumoefolau (@sakakimoana) January 15, 2022
A l'heure où j'écris ces lignes, 36h après l'événement, pas de dévastation comparable à des épisodes de tsunamis précédents, et l'éruption s'est produite sur une île inhabitée qui a d'ailleurs partiellement été engloutie depuis. Les communications sont cependant difficiles avec la zone, donc j'espère que les pluies de cendres, voire de cailloux (!) reportées n'ont pas fait trop de dégâts... En tout cas, un épisode vraiment spectaculaire sur nos images satellite si familières, comme je n'en ai pas souvenir.
Vient maintenant le moment de passer de l'éruption volcanique à l'irruption volcanique, pour justifier le titre. Tout d'abord, comme je ne l'avais pas anticipé, dans les heures qui ont suivi, l'onde de choc a traversé des centaines, puis des milliers de kilomètres, et a fait réagir les baromètres d'innombrables (toutes ?) stations météorologiques du monde, incluant les miennes (Penta di Casinca, Corse et Dawson City, Yukon, Canada) ou celles qui me sont chères (Dumont d'Urville, Terre Adélie), comme on peut le voir sur les graphes ci-dessous :
L'irruption soudaine de cet événement planétaire sur les baromètres du monde entier a suivi la vitesse de propagation du son, en gros, dans l'atmosphère, soit environ 1200km/h : sur les trois lieux/stations ci-dessus, elle a d'abord été enregistrée à DDU, en Antarctique, dans le même hémisphère, vers 19h30 locales, soit 9h30TU, donc environ 5h30 après l'éruption.Quelques heures plus tard, c'est sur le baromètre de la station de Dawson City, au Yukon, où elle est passée vers 5h locales, 13hTU, soit près de 9h après l'éruption. Enfin, dans la soirée d'hier, vers 21h locales, soit 20hTU, près de 16h après l'événement, sur mon baromètre de Penta di Casinca, où le saut de pression a été d'environ 1,5hPa, à peu près comme à Dawson ou DDU.
L'irruption barométrique étant très nette, et généralisée, on peut parler d'un (petit, en terme de conséquences) événement météorologique, mais quand on connaît un peu le climat de notre chère Terre, et l'histoire, on sait que l'impact d'éruptions volcaniques peut surtout être d'ordre climatique, en refroidissant, temporairement, la planète ! La question que je me suis ainsi, comme beaucoup, posée, fut donc la suivante : peut-on donc s'attendre à une irruption climatique du volcan des Tonga dans les prochains mois ?
Pour cela, il faut estimer la quantité de dioxyde de soufre (SO2) relâchée par le volcan dans l'atmosphère terrestre, qui peut effectivement avoir un vrai effet rafraîchissant. D'après les premières estimations, les quantités expulsées dans l'atmosphère seraient de l'ordre de 400 kilotonnes de SO2, soit environ 40 fois moins que ce qui avait été relâché dans l'atmosphère lors de l'éruption du Pinatubo, volcan philippin qui, lors de son éruption de 1991, avait provoqué un refroidissement planétaire d'environ 0,5°C durant les quelques années suivantes, avant que cet effet se dissipe totalement, quand toutes les particules étaient retombées au sol.
L'activité volcanique n'étant pas un sujet que je suis, j'ai un peu creusé le sujet, et l'événement d'hier matin n'est en réalité que la poursuite du réveil du volcan qui a eu lieu le 20 décembre 2021 et qui a duré jusqu'au 5 janvier, avant de reprendre le 13 janvier, débouchant sur cette explosion du 15 janvier, qui fut largement l'événement le plus puissant depuis le réveil du volcan le mois dernier. Comme on le voit, l'éruption n'est peut être pas terminée, et du coup s'il y avait d'autres phases très actives à venir, la quantité de SO2 expulsée pourrait bien augmenter, ce qui pourrait alors, mais seulement alors, avoir un impact climatique global significatif. En attendant, l'île qu'avait formé l'émergence de ce volcan sous marin depuis une dizaine d'année semble maintenant quasiment engloutie, et le volcan est ainsi devenu (provisoirement ?) à nouveau sous marin :
La réflexion de fond qui s'impose à moi est la suivante : ne peut on espérer que des éruptions volcaniques majeures, à partir de maintenant, pour freiner, stopper temporairement, le réchauffement climatique ? Faut il compter sur des irruptions volcaniques éruptives ? Si on en est là, comme je suis parfois tenté de l'être, ce qu'il n'y a pas grand chose à espérer d'autre, sur le fond... L'année 2021 a été à nouveau marquée d'événements spectaculaires, le pire étant ce record hallucinant au Canada, que j'ai évoqué précédemment sur ce blog, fin juin, avec près de 50°C.
Il y a 3 jours, le 13 janvier 2022, le record de chaleur de l'hémisphère Sud a été égalé en Australie, avec 50,7°C relevés à Onslow, ce qui égale le record du pays, et de tout l'hémisphère austral, relevé en 1960. Le 14 janvier, lors d'une forte canicule en Amérique du Sud, on a relevé 44,0°C à Florida, ce qui égale le record de chaleur d'Uruguay de 1943. Tandis qu'on avait débuté l'année en fanfare, avec 45,6°C relevés à Sombrero Hovy le 1er janvier, établissant le nouveau record de chaleur du Paraguay. Le réchauffement climatique (et ses manifestations infernales) est donc en pleine forme dans l'été austral en ce début 2022, ce qui n'augure encore une fois rien de bon pour notre été boréal à venir, dans quelques mois... Sauf si l'éruption tongienne (ou une autre) se poursuit de plus belle, limitant la poussée de fièvre... ? Pour cette année, deux/trois dans le meilleur de cas...
La situation semble déjà relativement hors de contrôle, les débats autour de l'élection présidentielle à venir en avril ne parlent absolument pas du réchauffement climatique, l'irruption volcanique est peut être la meilleure option disponible, tout de suite, pour cette année. Pas brillant...