Fin de la traversée et arrivée à Hobart
Nous voici donc arrivés à Hobart depuis hier mercredi en fin de journée, sous un soleil radieux et par une température estivale de 25°C, un air incroyablement chaud quand on revient d'hivernage en Antarctique.
Je souhaiterais commencer par remercier tous ceux qui ont envoyé des messages ou commenté les billets précédents, cela a été un plaisir de partager cette seconde expérience adélienne avec l'extérieur, toujours aussi riche, et dense. J'aime autant écrire pour pouvoir me replonger moi-même dans cette ambiance dans le futur, que partager cela avec le plus grand nombre.
Nécessairement, la fréquence des billets, et probablement leur intérêt, comparativement à la période adélienne, vont décroiître maintenant. Comme en 2010, lors de mon premier retour. Mais comme en 2010, je ne suis pas à l'abri d'une prochaine aventure probablement digne d'intérêt et donc, de partage, même si cela doit prendre encore quelques années.
Je termine par un récit de ces derniers jours. Suite à mon message de blog forcément envoyé un peu dans l'urgence après l'annonce de notre départ légèrement anticipé, je suis allé terminer de ranger et nettoyer ma chambre, puis j'ai rejoint tout le monde au séjour. Tous les hivernants de notre TA70 y étaient rassemblés, et les au-revoir entre nous, les 11 partants, et les 13 restants, ont été émouvants, chaleureux. Avec la perspective joyeuse de nous revoir sous d'autres latitudes, chose sur laquelle j'ai tenté d'insister auprès de ceux que nous avons quitté.
J'ai pris le dernier hélicoptère de passagers avec Régis, Malik et Pascal (chef centrale) pour un très court vol jusqu'à l'Astrolabe à 2km environ au nord-est de la base, puis à bord nous avons regardé depuis le bateau le petit groupe d'une dizaine d'hivernants qui était venu nous voir depuis la piste du Lion, au plus proche du navire.
Ensuite, j'ai dîné à bord jeudi puis suis vite remonté sur le pont en haut pour voir DDU lentement mais sûrement s'éloigner de nous par une belle soirée et de superbes lumières. Emotion particulière, bien sûr, probablement moins forte que la première fois il y a 11 ans, mais bien présente.
Première journée bien tranquille et esthétique dans le pack vendredi avec beaucoup de glace et quelques animaux, pack dont nous sommes sortis samedi matin, et le bateau a nettement accéléré ensuite, et récupéré la houle du large. Les premières heures ont été compliquées pour nombre d'entre nous avec le bateau qui s'est assez brusquement mis à bouger.
Pour ma part j'avais accumulé pas mal de fatigue pendant la période intense de passation et entre hier après-midi et ce matin, excepté les repas, et quelques courts passages dehors pour m'aérer, je n'ai fait que dormir. Le dimanche, je me sentais plus reposé, avec un bateau qui bougeait très raisonnablement.
La traversée se déroulait dans des conditions agréables, dès que je me sentais assez bien et en forme, je montais sur la passerelle, pour voir les infos météo justement, discuter avec l'équipage très sympathique de l'Astrolabe. Il y a notamment un jeune marin "compatriote" corse, Thomas, avec qui j'ai pas mal discuté, et qui envie mon retour dans l'île dans quelques jours, tandis qu'il reste en mission encore pour de longs mois.
C'était la raison de notre départ légèrement anticipé : nous sommes effectivement passés à l'île australienne de Macquarie sous un temps écossais, plafond bas et crachin tôt lundi matin, vers 5h, mais on a assez bien vu la toute petite base australienne. Nous nous sommes arrêtés à 500m de la côte et les australiens sont venus avec 2 zodiacs nous déposer leur malade. Ce dernier n'avait pas l'air en si mauvaise forme, il est monté saluer le commandant sur la passerelle où je me trouvais juste après. Par la suite du voyage, j'ai pu discuter un peu avec lui, il était notamment observateur météo sur l'île, avec des lâchers de ballons réguliers comme à DDU. En ce moment, ils sont 19 sur la petite base.
Même si nous n'avons pas très bien vu l'île à cause de la couche de nuages bas, nous avons eu un aperçu en longeant la côte orientale, et surtout en stationnant moins d'une heure au large de la base, située sur un isthme au nord de l'île, nous avons plutôt bien vu leurs installations. Ceux qui connaissent bien les îles australes (Crozet, Kerguelen surtout) y ont reconnu un paysage et une ambiance brumeuse caractéristiques, ce fut le cas de Régis.
Après 3 jours de mer, retrouver une terre fait tout de même un drôle d'effet, revoir du vert aussi, à défaut d'arbres, qui ne poussent pas sous ce climat rude et venteux. Nous ne nous sommes pas attardés sur place, car la fin de notre traversée était intimement liée à l'arrivée d'une grosse dépression sur notre trajet, avec des creux de 10m envisagés pour la journée de jeudi, soit aujourd-hui, au large de Hobart. Il nous fallait donc à tout prix arriver avant ces conditions qui eurent été fort désagréables.
L'Astrolabe a donc rapidement quitté Macquarie, qui disparaissait au sud dès 6h du matin lundi, cap nord-ouest vers Hobart en ligne droite et à 14-15 noeuds, soit à pleine vitesse. Sans incident, il y avait de bonnes chances d'arriver avant la tempête. C'est exactement ce qui s'est passé, avec des conditions un peu houleuses, mais pas plus de 4-5m au plus haut surtout mardi et mercredi matin, une houle de travers qui a fait rouler le bateau, renversant parfois quelques affaires mal arrimées, mais sans excès.
Et cette journée de mercredi, forcément spéciale avec la terre que l'on guette au nord, puis dont on aperçoit un trait fin sur l'horizon, avant de voir lentement se dévoiler le relief côtier heure après heure tout l'après-midi. L'odeur qui change, avec quelques parfums terrestres, l'air qui se réchauffe nettement : déjà doux avec 17°C au petit matin, on a dépassé les 20°C l'après-midi, pour atteindre 25°C en remontant le chenal vers Hobart, un vent chaud des plus surprenants pour nos corps habitués au froid.
Les premiers arbres, les premières maisons, un "nouveau" monde dont l'irruption garde un côté étonnant au premier abord, bien que si prévisible. On se réhabitue vite, ce jeudi, tout cela me paraît un retour à la normale. On se sent bien avec le bateau à quai, sans houle, avec un léger mal de terre qui se dissipe heureusement. Techniquement, nous sommes descendus ce matin une seule minute à quai pour voir la police maritime tasmanienne, montrer nos passeports, masqués, bien sûr, sauf pendant la vérification d'identité.
Les masques sont obligatoires sur le bateau depuis ce jeudi, ça change peu et beaucoup de chose. Sans surprise, ce n'est pas très agréable, mais on s'y fera, évidemment. Nous voici dans ce fameux "monde masqué" que je redoutais un peu. Nous avons deux jours de récupération sur le bateau, où l'équipage va également pouvoir un peu souffler, grâce à notre arrivée un peu en avance sur le calendrier, d'environ 2 jours. Samedi matin, ce sera le convoi vers l'aéroport pour le retour en métropole dimanche, un an et un jour après avoir quitté ce même aéroport de Roissy Charles de Gaulle. Nous n'aurons ainsi vu Hobart que depuis le bateau, ce qui reste un peu frustrant, même si on s'y attendait.
Je pense aux 13 hivernants de notre TA70 encore dans cet environnement unique, j'espère qu'ils vivent encore de beaux moments, même si je ne les envie pas de nous avoir vus partir et de rester, largement minoritaires, dans l'environnement chamboulé de la campagne d'été. La longue parenthèse enchantée de cet hivernage se referme donc pour moi, et DDU me semble déjà assez loin dans le temps, mais tellement rempli de bons souvenirs... A bientôt et encore merci de m'avoir lu cette année !