Prologue

Le blog qui existait jusqu'ici pourrait presque s'arrêter maintenant et renaître sous une autre forme. De même que cette semaine au bout de la France (du monde ? d'un monde ?) m'a fait comprendre assez clairement que la vie que je menais jusqu'à maintenant allait s'arrêter, et qu'une nouvelle arriverait bientôt. Quelques instants à peine après avoir quitté 3 futures hivernantes comme moi hier soir, à la sortie du TGV en provenance de Brest, j'avais déjà l'impression de ne plus trop reconnaître le monde parisien. J'avais une sensation bizarre, très similaire à celle que l'on a quand on se réveille après un rêve... Nous avons donc vécu entre futurs hivernants toute cette semaine dans une bulle, déjà coupés du monde. Pas du tout physiquement, puisque nous traversions tous les jours la ville de Brest en bus, que nous sortions dans des bars le soir, mais une petite communauté, notre future communauté, qui n'existait que virtuellement jusque là, est née. Tous ces gens inconnus lundi à 15h30 qui étaient vendredi après midi presque des amis, des gens que j'avais la sensation de connaître depuis un certain temps. On ne peut que remercier l'institut polaire (IPEV) d'organiser, de façon aussi complète, pareille semaine. Il y a tellement de choses à dire... Déjà, nous serons 26 à hiverner toute l'année 2009 à la base Dumont d'Urville. Nous serons 18 hommes et 8 femmes, record du genre concernant ce dernier chiffre, encore un peu et on arrivera à la parité ! Sur les 26 futurs hivernants, 24 étaient présents à ce séminaire, ce qui a quand même permis de prendre contact, même juste un peu, avec tout le monde. A côté de nous, avec nous pendant cette semaine, il y avait des gens qui vont partir dans les autres districts des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) : archipel de Crozet, des Kerguelen, l'île d'Amsterdam. Ceux là étaient loin d'être au complet, car les rotations ne sont pas strictement annualisées comme dans le cas de la Terre Adélie, et qu'un certain nombre de leurs camarades d'hivernage étaient déjà sur place. Notre contingent antarctique était donc, d'assez loin, le plus gros. Des photos de ces différentes "promos" seront bientôt disponibles sur le site de l'IPEV, j'en reparlerai quand elles seront visibles. Je vais essayer de raconter brièvement tout ce qui s'est passé pendant cette semaine. Lundi : je prends le train gare Montparnasse vers 9h, arrivée prévue à Brest à 13h30, voyage sans histoire, lecture, musique, bizarrement je suis impatient, mais ça va, je ne réalise sans doute pas trop encore ce vers quoi je vais. Je me dis quand même qu'il y a sans doute d'autres hivernants dans ce même train, sans pouvoir deviner qui bien sûr... Arrivée à la gare de Brest, je trouve quelque chose pour déjeuner puis je vais me promener dans les environs, petite sieste sur un banc dans un petit jardin, au soleil, pas désagréable, nous avons rendez vous devant la gare à 15h30. Je me dirige alors vers la gare peu de temps avant l'heure H, et je ne tarde pas à apercevoir une petit fourgon IPEV dont je m'approche, ça y est, c'est parti, je change de réalité... On regroupe tous les gens présents à la gare, il y en a un bon groupe (30 ?40 ?) et on commence à discuter un peu, à se présenter les uns aux autres, même pour un ours/ermite comme moi, ça se passe pas trop mal... Le premier contact aussi bien avec l'IPEV que les autres camarades est concluant. Nous montons dans le car qui nous attend pour nous diriger vers l'auberge de jeunesse. Personne ne se connaît mais tout le monde est évidemment content et plutôt souriant, bonne ambiance. A l'auberge, accueil et répartition des chambres pour les 4 nuits à venir, je me retrouve avec un collègue météo et notre futur gérant postal, on va poser nos affaires et nous avons droit ensuite à un peu de temps libre, qu'une bonne partie d'entre nous emploie à aller marcher à quelques dizaines de mètres de là, sur la plage, au soleil. Ensuite, retour à l'auberge où nous attend un pot d'accueil, puis un dîner dans une salle de l'auberge. Tout ceci se déroule dans une bonne ambiance, bien sûr ce n'est pas toujours facile de communiquer avec des gens que l'on connaît encore peu, mais tout ceci se fait bien, naturellement, et sans forcer. Après le dîner, nous sortons boire un verre (au moins !) pour un certain nombre au bar du coin. Mardi : Le car vient nous chercher à 8h20 pour nous emmener de l'autre côté de la ville, à Plouzané, à l'IPEV, pour un accueil puis un ensemble de conférences. On nous présente dans un premier temps tout l'aspect "Gestion du Personnel et Finances", qui concerne les gens qui partent sous contrat avec l'IPEV, tous les aspects administratifs en fait, liés au départ là bas. Beaucoup d'entre nous, les jeunes (limite d'âge 28 ans), partent en tant que Volontaires Civils à l'Aide Technique (VCAT), pour réaliser des travaux aussi bien scientifiques que techniques sur les bases des TAAF. Il y a des militaires détachés par le Ministère de la Défense, des gens sous contrat avec les TAAF... Pour moi, c'est beaucoup plus simple, mon employeur reste Météo-France là bas et je me trouve ainsi dispensé d'un certain nombre de formalités. Ensuite nous avons avant déjeuner deux présentations générales sur les îles subantarctiques déjà citées d'une part, et l'Antarctique et la Terre Adélie d'autre part. Une petite pause café d'une demi heure tout de même se glisse dans l'emploi du temps aussi bien en milieu de matinée que d'après midi chaque jour. A midi, nous allons déjeuner, toujours tous ensemble, au restaurant situé sur le site (il y a notamment l'Ifremer à côté). Dans l'après midi, nous avons droit à une conférence sur le traité de l'Antarctique, qui nous renseigne sur le contexte international qui règlemente le grand continent blanc. Puis vint un moment assez symbolique avec la séance d'essayage du paquetage préparé par l'IPEV : deux sacs marins contenant une veste et une salopette matelassés, un anorak couleur rouille, 3 jeans, deux chemises, un blouson polaire, un pull, 4 maillots de corps, 3 caleçons longs, 6 paires de chaussettes, une paire de bottes canadiennes, un chausson pour bottes, une paire de chaussures de sécurité, deux paires de charentaises, un passe montagne, 2 bonnets, un tour de cou, 3 paires de gants manutention, 4 paires de sous-gants en laine, une paire de gants trois doigts, puis de la crème solaire, un stick solaire et des lunettes de glacier... Bref, une heure pour tout essayer et s'assurer que ce sera bien à ma taille, même avec quelques inévitables kilos supplémentaires ! Tout ce matériel nous est offert, et si l'on en croit la TA58 (Terre Adélie 58, la promotion d'hivernants actuellement sur place), ce paquetage est globalement complet et bien fait. Je les crois volontiers après ce seul essayage ! Enfin, nous avons terminé mardi avec un premier exposé sur les sciences antarctiques, qui visait à nous présenter, de façon assez détaillée je dois dire, les activités scientifiques réalisées en Terre Adélie et à Concordia, la base située sur le continent lui-même. Le soir, retour en car à l'auberge, dîner sur place puis retour dans un bar situé cette fois au coeur de la ville, près du port de commerce, où notre groupe d'hivernants de Terre Adélie (la TA59, notre promotion) a pris un peu plus corps, en échangeant sur le parcours de chacun, le futur rôle de chacun sur la base, etc... Beaucoup de choses qui m'ont complètement sorti de mes habitudes, comme on pouvait évidemment s'y attendre, et je me dis qu'il était largement temps que je me lance dans une telle aventure, de quitter l'existence trop monotone que je menais à Paris. Je continuerai ce prologue un peu plus tard, le temps de souffler et de profiter des avantages de la vie parisienne, voir des gens qui me sont chers...

Comments

[Gou]

En effet, on peut dire que tu as bien saisi l'essence même du message ! Cela dit, les deux points que tu cites sont aussi importants l'un que l'autre...

[Alexandra]

Je récapitule ton prologue pour ne pas perdre le fil de ton extra-ordinaire aventure :
1- vous avez commencé l'entrainement "bar" !
2- et vous avez déjà les gants adéquats pour le fatal moment où vous perdrez deux.... doigts !