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Itinéraires polaires
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12 août 2024

Le refuge climatique

Je reprends donc ma plume électronique presqu’un an et demi plus tard, au coeur de l’été, cette saison que je redoute chaque année. En effet, c’est au cours de celle-ci qu’on ressent le plus les effets du réchauffement climatique, avec la multiplication des vagues de chaleur, et des orages qui deviennent aussi de plus en plus pluvieux notamment. J’écris ce texte depuis mon refuge climatique, au frais, tandis qu’après une journée caniculaire (avec 37,1°C au plus chaud à la station de Paris-Montsouris) la soirée s’annonce bouillante sur l’agglomération parisienne, dans des appartements souvent surchauffés.

 

Lors de mon dernier article, je faisais un bilan de l’été 2022 qui fut mémorable avec un nombre de jours record de vague de chaleur et une sécheresse incroyable à l’échelle du pays. Sans être aussi exceptionnelle que sur l’ouest du pays, la chaleur fut persistante et pesante à Paris durant l’été, et une idée qui était jusque là dans un coin de ma tête a jailli comme une évidence : il me fallait trouver un lieu où je puisse aller retrouver un peu de fraîcheur, notamment au moment les plus chauds de l’été, en d’autres termes, trouver un refuge climatique ! Avec cette idée bien présente en tête qu’aussi terrible soit cet été 2022, il deviendrait relativement banal dans un futur pas si lointain, le plus tôt je concrétiserais cela, le mieux ce serait.

 

Ma première quête fut donc climatologique, en étudiant les zones les plus fraîches de France en été. Deux possibilités s’offraient alors : le littoral du Nord-Ouest du pays d’une part, ou la montagne, à une certaine altitude, d’autre part. J’ai ensuite considéré quelles étaient les évolutions climatiques prévues dans les prochaines décennies, et le choix fut presque fait : le littoral proche de la Manche est la zone de métropole qui va se réchauffer le moins dans les prochaines décennies. Si l’on ajoute que ce littoral est plus rapidement accessible depuis Paris que la plupart des zones montagneuses du pays, le choix était donc fait.

 

 

J’ai ensuite donc étudié quelques possibilités le long de la Manche, et mon choix a fini par se porter sur une zone que j’avais très envie de découvrir depuis longtemps : le Cotentin. La ville de Cherbourg est accessible en train direct depuis Paris en un peu plus de 3 heures, avec plusieurs aller-retours par jour. C’est un peu plus long comme trajet et à l’écart des zones touristiques de Normandie, mais c’est ainsi plus sauvage en un sens, c’est une pointe, un « bout du monde » comme je les aime. J’y ai effectué mon tout premier séjour de répérage en septembre 2022, en sortant du terrible été…

 

L’endroit m’a tout de suite plu et j’y suis depuis retourné de nombreuses fois avec plaisir, à chaque fois, et à des saisons différentes en 2023 pour voir les lieux aux différentes saisons. En sillonnant la ville à pied en long et en large, je me suis familiarisé avec les lieux, tandis que je scrutais attentivement les annonces de petits appartements disponibles à la vente. Cette quête a finalement abouti à la fin de l’année dernière, tombant enfin sur une annonce dans les prix, les coins de la ville et la configuration que je cherchais. Après avoir contacté l’agent, j’ai visité l’appartement en faisant l’aller-retour depuis Paris sur la journée : les photos ne mentaient pas, j’ai fait une offre le soir même en rentrant, qui a été acceptée ! Un peu plus d’un an après avoir eu cette évidence en tête, j’avais donc la chance d’avoir trouvé mon refuge climatique !

 

J’ai récupéré les clés l’hiver dernier et je suis depuis venu faire de petits séjours sur place, pour l’équiper un minimum. En ce mois d’août 2024, cependant, c’est la première fois que j’ai décidé d’y venir en raison des prévisions météo. Après une période de travail assez intense pendant les JO de Paris, j’ai pu me libérer quelques jours pour éviter le pic caniculaire actuel en région parisienne. C’est donc avec une excitation particulière que je suis arrivé ici samedi soir, quittant les 29°C parisiens pour 20°C à l’arrivée.

 

Hier dimanche, un pic caniculaire exceptionnel a concerné l’ouest de la France, particulièrement le littoral aquitain où les 40°C ont parfois été dépassés, établissant ça ou là quelques records pour un mois d’août. Le Nord-Ouest du pays a aussi connu un pic : il a fait 31,5°C chez mes parents à Quiberon, parfois 35°C dans l’intérieur de la Bretagne. La pointe du Cotentin a néanmoins bénéficié d’une chaleur atténuée par le vent de nord-est maritime qui a soufflé depuis la Manche : pas plus de 27°C en ville à Cherbourg dans l’après-midi, mais beaucoup moins sur les plages du coin, où je me suis rendu pour un premier bain.

 

 

Je suis allé me baigner pour la première fois sur la plage de Collignon, la plus proche du centre, à l’est de la ville, dans l’après-midi. Il faisait 21-22°C sur le bord de mer avec ce vent marin assez soutenu, sous un soleil généreux. L’eau était vraiment bonne, autour de 20°C je dirais, et j’en ai profité un petit moment. Pendant ce temps, il faisait 33°C à Paris… Il y avait à certains endroits pas mal de monde sur la plage, mais même un dimanche de la première quinzaine d’août, il y avait beaucoup de place sur la plage, comme on le devine sur la photo proposée… Je suis rentré dans mon appartement ravi de ce premier bain manchois.

 

La nuit dernière, de dimanche à lundi, fut chaude selon les standards locaux : le thermomètre placé à ma fenêtre a varié entre 21,9°C au plus « frais » et 25,4°C en fin de nuit, lorsque que le vent a tourné au sud-est, apportant l’air chaud du continent jusqu’à la pointe du Cotentin. A peu près au même moment, la pointe de la Hague, extrémité nord-ouest du Cotentin, a enregistré 26,4°C vers 6h du matin, valeur d’une chaleur peu banale pour cette pointe entourée d’eau rafraîchissante de la Manche (il n’y avait pas fait si chaud depuis le fameux été 2022…) !

 

Ma nuit fut correcte avec une température d’environ 25°C dans l’appartement, sans faire de courant d’air. C’est 3 degrés de moins que la température dans mon appartement de Vincennes, une vraie sensation de détente, du repos pour le corps et l’esprit… Ce matin, le vent a rapidement tourné à l’ouest, vers 10h, et le ciel ensoleillé sur là s’est couvert de nuages bas : on est passé de 25°C à 20-21°C en moins d’une heure, et la température n’a pas dépassé 22°C à Cherbourg pour le reste de la journée, loin des 37°C de Paris

 

 

Ce soir, j’écris donc ces lignes alors que la lumière baisse et que le soleil va bientôt se coucher. J’ai passé une journée agréable et rafraîchissante, pas très ensoleillée dans l’ensemble tout de même, qui m’a fait oublier l’idée même de la canicule, inexistante ici, la chaleur relative d’hier (27°C) étant déjà un lointain souvenir. A 21h30, il fait 18°C dehors et 23°C dans l’appartement à Cherbourg. A comparer aux 34°C dehors et près de 30°C dans l’appartement à Vincennes, sans commentaire. Je dois rentrer demain en région parisienne pour travailler, même s’il fait moins chaud le choc thermique sera bien là à l’arrivée. Mais je serai mieux disposé grâce à l’effet du refuge.

 

J’ai bien conscience d’être très privilégié d’une façon générale dans la vie, et notamment dans le cas qui nous intéresse ici, ayant pu acquérir un petit appartement « au frais ». J’ai voulu le faire parce que je le pouvais bien sûr, mais aussi pour devancer un mouvement qui me semble inexorable dans le siècle à venir : l’exode des régions du sud vers le nord, et notamment le nord-ouest du pays, en été. Les canicules et sécheresse se multiplient au sud, qui devient, au sens strict du terme, moins vivable qu’avant pendant la période la plus chaude de l’année.

 

Dans mon cher village corse de Penta, la température a évolué aujourd’hui entre 26,6°C au plus « frais » de la nuit jusque’à 35,6°C au plus chaud de la journée. Il fait 31°C dans la maison… On disait dans le temps qu’on montait au village depuis la plaine pour y trouver une petite brise rafraîchissante en été, qui était bien souvent présente à l’époque. La brise existe encore, mais l’air qu’elle conduit n’a plus rien de frais. Ces températures autrefois exceptionnelles, tendent à se reproduire chaque été maintenant, à chaque pic. Les restrictions d’eau sont là sur l’est de la Corse cette année encore…

 

Je souhaite à toutes et tous de pouvoir trouver son refuge, faute de pouvoir empêcher la catastrophe climatique, essayons de nous y préparer au mieux, je pense que nous ne sommes vraiment pas prêts et que les chocs seront rudes. Je suis frappé mais pas surpris de voir que ce sujet ne fait pas encore la une des journaux comme il le devrait, les records de chaleur pleuvent de partout dans le monde entier, les incendies géants, les pluies diluviennes… On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas.

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