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Itinéraires polaires
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4 juillet 2020

Que de neige, dans la douceur !

Comme annoncé dans mon précédent billet, l’actualité de ces premiers jours de juillet à Dumont d’Urville a été dominée par un ballet de perturbations neigeuses, qui ont apporté de l’air très doux, venu des basses latitudes. Jeudi dans la journée, le thermomètre est monté jusqu’à -3,8°C. Nous n’avions pas connu pareille douceur depuis la fin du mois d’avril. Faisant suite à un mois de juin froid, surtout dans sa première moitié, inutile de dire qu’une telle température est vraiment ressentie comme très douce, on sort sans bonnet, presque sans gants, même, pour des durées raisonnables, naturellement. Jeudi, avec cet air particulièrement doux, nous avons également eu d’abondantes chutes de neige, qui faisaient suite à la première salve de mardi, en 24h, 40 à 50cm de neige fraîche sont ainsi tombées, tandis que le vent a atteint 115km/h en rafales. 

Comme on pouvait s’y attendre avec pareilles conditions, les congères ont considérablement augmenté pour la plupart, et pour la première fois, celle qui passe entre le dortoir et Geophy a complètement englouti, sur plusieurs mètres, la passerelle, qui était jusque là assez rapide à déneiger. Mais, avec un tel volume de neige, il est peut être plus sage de renoncer, en aménageant simplement la congère en y creusant éventuellement des escaliers (cf photo jointe). La DZ, où se pose l’hélicoptère durant la campagne d’été, est elle aussi complètement submergée maintenant par la neige. On bascule dans la seconde moitié du séjour, et les congères prennent leur ampleur définitive, proche de celle que l’on retrouve en fin d’hiver. 

Un autre phénomène météorologique qui a accompagné cet épisode est le dépôt de glace sur toutes les surfaces exposées au vent : l’eau surfondue (qui peut rester liquide, dans l’air, malgré des températures légèrement négatives) contenue dans cette masse d’air très douce et humide qui nous a concerné ces derniers jours s’est déposée sur les passerelles, les rambardes, en formant une petite couche de glace parfois très glissante ! Plus que jamais, il valait mieux ne pas courir sur les passerelles ces derniers jours. Ca m’a rappelé un peu ce que nous avions connu, exactement à la même époque de l’année, en 2009, où il avait fait encore plus doux, quasiment 0°C, et où on avait même eu un peu de bruine, ce qu n’a pas été le cas cette fois. 

Surtout, à l’époque, la succession de tempêtes et de douceur avait fait débâcler la banquise très proche de la base, comme on peut encore le voir en se reportant aux archives de ce blog du début juillet 2009. Rien de tel cette fois, heureusement pour nos sorties autour de la base. Visuellement, comme on peut l’apercevoir sur une des photos jointes à ce billet, la polynie s’est néanmoins rapprochée au nord-ouest : on aperçoit ainsi de nouveau de l’eau libre peut être à une dizaine de kilomètres de la base. En 2009, c’était au bout de l’île des Pétrels, et ça avait donné lieu à la séquence visuellement la plus magique de l’année, le contraste entre la mer bien sombre et les lumières rosées sur la banquise, les empereurs, une merveille !

C’est ainsi, chaque année a son histoire météorologique propre, et les hivernants ne vivent ainsi pas tous la même chose, moi le premier, donc. D’ailleurs, pour être honnête, en terme de paysages uniquement, j’ai jusqu’ici été plus impressionné par ce que j’ai vu en 2009, avec davantage de variété, un embâcle plus long en mars/avril, qui a offert un superbe spectacle, et cette polynie à nos pieds en juillet. Peut être que l’effet de nouveauté jouait aussi, mais nous avions été bien gâtés cette année là… De toutes façons, c’est toujours un bonheur et du bonus pour moi d’être revenu ici cette année, et la vie se passe toujours très bien dans notre groupe, ce qui était l’élément que j’attendais le plus cette fois.

Les choses se précisent puisque je sais maintenant de façon certaine que je retournerai sur mon ancien poste de prévisionniste météo à l’unité Médias de Météo-France, à Vincennes/Saint-Mandé. Une bien agréable perspective de retrouver des collègues avec qui je m’entendais très bien, et un travail souvent stimulant, avec un volet communication, à travers les interviews, qui m’a vraiment plu, et que je serai heureux de reprendre. Je mesure la chance que j’ai d’être un des rares hivernants à déjà savoir ce que je ferai, à quel endroit, l’an prochain, au retour. Par ailleurs, pour la première fois, j’ai été contacté par Laura, qui me succèdera en tant que chef météo de la TA71, pour avoir des conseils pour remplir les fameuses malles qui nous ont occupé l’été dernier. Comme le départ se fera plus tôt pour eux que pour nous, j’imagine que le calendrier est encore un peu accéléré !

La perspective du retour m’étant plutôt agréable, je perçois cependant le piège qui consisterait à trop me projeter dès maintenant dans l’après, alors que c’est si précieux d’être ici encore pour au moins 4 mois. Je sais que les semaines vont passer plus vite maintenant, que voir les jours rallonger à toute vitesse va me rendre un peu euphorique, Je sais que le monde que nous retrouverons en fin d’année sera beaucoup plus compliqué que celui où nous vivons, que nous quitterons la légèreté de notre bulle adélienne, tout en y occupant une place bien privilégiée. Mais le vrai luxe, c’est d’être à DDU, avec toutes ses imperfections, ces hivernants du quotidien, toujours les mêmes, dont la présence est parfois lassante, mais rassurante, aussi. A bientôt !


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Commentaires
E
Bonjour et merci pour ce beau récit !<br /> <br /> Juste un question technique : quelle appareil photo avez-vous choisi pour vous rendre en Antarctique ? Un réflex a t-il sa place ? <br /> <br /> <br /> <br /> à bientôt, Emmanuel.
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