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Itinéraires polaires
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4 février 2020

Le retour de la nuit

Bon, j’exagère un petit peu, mais vraiment, ce que nous vivons ces derniers jours est bien différent de l’ambiance si lumineuse que nous avons connue depuis notre arrivée ici, il y a presque 2 mois, déjà. C’était écrit, attendu, prévisible, et pourtant ça reste un peu surprenant, rapide : surtout ces deux derniers soirs, sous un ciel très nuageux, on peut parler de vraie pénombre dehors aux alentours de minuit, comme en atteste une des photos jointes à ce billet.  Le 31 au soir, j’ai vu distinctement vers minuit ma première étoile, plein Nord, je l’ai revue les soirs suivants, bien sûr, quand le ciel était dégagé. Cela correspond bien à ce que je relatais dans un billet à la même période, sur ce blog, il y a 11 ans. Nous avons eu 2 très belles journées ensoleillées, de fin d’été, pour débuter le mois, dont je propose quelques photos également, avec une belle mer d’huile dimanche 2 après-midi ! Le froid pique un peu plus qu’en janvier, quoique, l’autre jour, il s’est calmé l’après-midi, et le thermomètre a pu, d’une courte tête, passer le seuil du dégel (0,1°C au plus doux).

J’ai oublié de mentionner dans mon billet précédent que le mois de janvier avait permis de battre un record d'humidité moyenne, assez largement : en pourcentage, l’humidité moyenne n’a jamais été aussi élevée, dans ce lieu habitué à un air plutôt sec, voire très sec. C’est assez cohérent avec le record de faible ensoleillement, un ciel très nuageux, des nuages quasi exclusivement d’origine maritime, bien souvent issus des tempêtes qui se forment au large. En gros ici, on est au carrefour entre deux mondes : le Grand Continent Blanc, source perpétuelle (enfin, on espère…) de froid sec, et l’immense Océan Austral, source d’humidité. Les deux se partageant à part à peu près égale la responsabilité des violentes tempêtes qui balaient la région, par creusement de profondes dépressions (l’océan), et par écoulement catabatique (le continent). Ca donne une diversité si intéressante au climat du lieu, car il y a une large palette de variations entre ces deux modes, maritime, et continental.

Une actualité un peu moins gaie est la multiplication de morts constatés chez les poussins Adélie. Les petits manchots de l’année, certainement éprouvés par les tempêtes et l’humidité, qu’ils supportent d’autant plus mal quand un coup de gel se produit dans la foulée, ce qui arrive plutôt souvent ici, se couchent de plus en plus souvent autour de nous, sur la base, de façon définitive. On en observe chaque jour davantage. Nos ornithologues nous expliquent que c’est la période de mue, indispensable avant de se lancer normalement dans peu de temps dans le grain bain, qui exige beaucoup d’énergie de leur part, et que cette énergie requise est souvent trop importante pour ces jeunes manchots éprouvés. Certains n’ont pas encore la taille adulte, et n’ont pas débuté leur mue, leur sort est probablement scellé à court terme, et une hécatombe est probable dans les prochains jours. Mais on en voit également de belle taille, qui ont débuté leur mue, et qui se couchent pourtant définitivement. Les redoutables skuas, grands prédateurs locaux, avec les pétrels des neiges, n’ont ainsi même plus besoin de chasser pour trouver une source abondante de nourriture...

Plus réjouissant, j’ai renoué ce mardi 4 février avec une de mes activités favorites de l’année 2009, de ma TA59 : la coinche ! En effet, sur suggestion fort à propos de Pascal, notre plombier, nous avons recruté deux autres joueurs après le déjeuner, ce jour, pour une première partie de belote coinchée/contrée. C’est ainsi que Valérian, notre électrotechnicien, et Bastien, notre menuisier, se joint à nous pour une grosse heure de coinche, découverte pour Valérian, ce qui a nécessité un démarrage en douceur, avec quelques maladresses, mais on s’est pas mal rattrapé sur la fin de cette première partie ! La seconde arrivera très certainement ces prochains jours, probable début d’une série qui pourrait nous accompagner assez longtemps, pourquoi pas. Revivrai-je l’intensité du duel auquel je me livrais si souvent, avec l’aide de Guigui, mon cher mécanicien de précision, contre Céline, notre biologiste marine, et Caro, notre médecin, de la TA59 ? A voir, mais cela avait incontestablement animé et égayé mon hivernage de 2009...

Dans l’actualité, on guette le retour de l’Astrolabe, qui a déjà quasiment fini son aller-retour à Hobart, et doit être à quelques heures d’entrer dans le pack, c’est à dire, si la traversée de ce pack se fait bien, à moins de 24h de revenir à DDU. On pourrait donc tout à fait le revoir ce mercredi 5 sur la base, et si ce n’était pas le cas, jeudi 6. Il restera ensuite à effectuer la manoeuvre un peu délicate d’entrée dans le chenal du Lion, pour aller se mettre à quai, délicate car elle nécessite un vent assez faible (< 15 noeuds/30km/h), ce qui exige de nous des prévisions météo aussi fines, et justes, que possible. Un avion venant de Concordia est attendu vendredi ou samedi, selon la météo, ramenant des gens qui embarqueront sur l’Astrolabe dans la foulée (dont Jean-Louis et François, dont j’ai relaté la longue attente d’avion pour aller faire leur travail là haut, en janvier). Deux raids arrivent également du continent : le raid scientifique EAIIST qui a fait ces nombreuses mesures, inédites, au coeur des glaces de l’Antarctique, et le raid « classique » d’approvisionnement de Concordia. De nombreuses personnes au sein de ces deux raids embarqueront aussi sur l’Astrolabe. Beaucoup de mouvement et d’activité en perspective dans les prochains jours, notamment pour l’équipe technico-logistique, comme à chaque rotation. Quand le bateau repartira, dimanche ou lundi, nous seront encore moins nombreux sur la base...

J’achève finalement ce billet en revenant à la nuit, à la lumière artificielle de ma chambre, qui a si peu servi depuis deux mois, et qui va nous être de plus en plus indispensable dans les prochaines semaines, jusqu’à devenir, probablement, un peu pesante quand la lumière solaire sera si rare. Je me rappelle de cette longue phase un peu apathique qui s’était produite au milieu du séjour, assez curieux de voir comment je/nous la vivrai/vivrons cette année. Est-ce une phase inévitable ? Probablement. En revanche, la façon de la traverser peut varier beaucoup selon la dynamique du groupe, on verra, sur ce point, ce que nous réservera ce joli cru de la TA70, qui me plaît toujours autant, et peut être même davantage.



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