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Itinéraires polaires
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21 janvier 2020

Rotation anniversaire de l'Astrolabe

On se doutait que ce serait dense, riche : nous n’avons pas été déçus. En 48h, un peu à l’image de l’Aurora Australis qui nous a amené ici le 6 décembre, l'Astrolabe est arrivé dimanche 19, a chargé et déchargé passagers et fret, puis est reparti, ce mardi 21. Les dates coïncident bien avec les 180 ans de la découverte de la Terre Adélie par Jules Dumont d’Urville en 1840, qui a aperçu la terre tout près d’ici le 20 janvier sur son Astrolabe de l'époque, avant d’accoster le 21 sur le rocher du Débarquement, un îlot de notre archipel, situé à 7km de DDU, où je compte bien me rendre dans les prochains mois, quand la banquise aura repris ses droits. J’avais malheureusement loupé l’opportunité lors de mon hivernage de 2009, et je ne compte pas reproduire cette erreur cette année. Un cocktail et dîner avait été organisé pour l’anniversaire ce lundi soir dans le séjour de DDU, où une douzaine de marins de l’Astrolabe ont également été invités, dont le second, futur commandant lors de l’été prochain.

Peitt événement, toujours, que l’arrivée du bateau à DDU. Peut être un peu plus encore cette année, puisque c’est seulement la première fois qu’il vient à DDU depuis le début de la campagne d’été, un 19 janvier, en raison de l’avarie à l’arbre de transmission du mois de novembre. Dimanche 19 au matin, l’Astrolabe est visible vers 8h au milieu des glaces proches de la base. Une heure après, environ, il est à l’entrée du chenal du Lion, où il va rester quelques heures. Le temps est parfait pour manoeuvrer et rentrer dans le chenal avec un vent quasi nul, un soleil bien présent. La manoeuvre est exécutée en début d’après-midi, spectacle auquel une majorité des adéliens assiste, un dimanche de repos, avec un temps idéal. Je le regarde rentrer dans le chenal depuis le toit de la centrale, puis je descends voir la fin de la manoeuvre sur les rochers à côté de l’abri côtier, en bas, tout près.
Il a fière allure, cet Astrolabe, davantage que son prédécesseur, que j’avais connu en 2009. Ca fait drôle de le voir enfin ici. Encore plus pour Luc, Charlène, Valentin, Loïc, et dans une moindre mesure Aurore, qui ont dormi plusieurs semaines sur l’Astrolabe, à quai, à Hobart, en novembre, quand ils étaient programmés sur la première rotation R0, qui a été annulée. Nous les avons retrouvés plus de deux semaines plus tard fin novembre, pour embarquer sur l’Aurora Australis. Ils ont eu le temps de nouer des contacts avec l’équipage, qui avait vraiment envie de voir DDU, avant un changement d’équipage pour les deux rotations suivantes R3 et R4.
Pas mal de monde donc, ce beau dimanche après-midi de janvier, pour assister à la manoeuvre du bateau, qui a cassé un peu de banquise pour pouvoir se caler confortablement sur son quai de la piste du Lion. Ca a bien occupé mon temps libre pendant ma journée de service base. Dans la foulée, de nouvelles têtes sont apparues sur la base, d’autant plus qu’un autre avion est arrivé également dimanche en fin de journée de Concordia, redescendant des hivernants de 2019 des hauts plateaux, là haut, pour les transférer sur l’Astrolabe.  Dans le même temps, 4 des 6 derniers hivernants de la TA69 se préparaient à partir après un long séjour de plus d’un an à DDU, ainsi que quelques campagnards d’été, dont le fameux Paul, maintes fois récemment cité, ainsi que 3 ornithos Karine, Christophe et Michael, de très bonne compagnie, et qui nous manquent forcément un peu, dès ce mardi soir.
Ce lundi et ce mardi, j’étais de service à la météo, et c’est donc moi qui ai eu la charge d’établir les prévisions locales, cruciales pour réaliser au mieux les opérations logistiques et planifier le départ. L’enjeu était de prévoir de rester durablement sous les 15 noeuds de vent moyen/établi, afin de sortir en sécurité du chenal du Lion, qui propose une route plus étroite qu’il n’y paraît, car le bateau a un tirant d’eau de 7m, et qu’il y a à peine quelques mètres de plus sur un trajet bien défini dans le chenal. Finalement, conformément aux prévisions, on n’est que très temporairement passé au dessus de ce seuil de vent, ce qui a permis d’une part de réaliser toutes les opérations de chargement/déchargement du bateau dans les meilleures conditions possibles d’une part, mais surtout de faire une manoeuvre de départ du bateau dans d’excellentes conditions ce mardi 21 en début d’après-midi. On m’a plusieurs fois félicité pour la justesse des prévisions, ce qui fait toujours plaisir, bien sûr.
Que dire d’autres dans ce grand tourbillon de 48 heures, rappelant celui du 6-8 décembre ? Les hivernants qui descendent de Concordia sont vraiment des gens à part, qui ont vécu quelque chose d’encore plus spécial que l’hivernage à DDU. Je le savais déjà depuis 2009, naturellement. Mais en discutant avec Thibault, qui sort de l’hivernage là haut, on voit bien qu’il y a presque le même monde d’écart entre la métropole et DDU qu’entre DDU et Concordia. Pas tout à fait certes, mais quand même. Le froid extrême, là haut (-30 l’été -70 l’hiver) qui complique, voire rend carrément dangereux toute activité extérieure bien souvent. L’isolement et le confinement à un niveau bien supérieur à DDU, où il y a toujours un coin tranquille dans la base où on peut être tranquille. Le sommeil jamais réparateur, à cause du manque d’oxygène lié à l’altitude (3200m équivalent 3800m en métropole), même en dormant 20h de suite. La cohabitation pas toujours simple entre deux cultures, française et italienne, présents en nombre égal sur la base. Un autre monde, proche du spatial, sûrement, très justement.
Certains ressortent de cette expérience usés, d’autres comme Thibault qui ont cet appétit de l’extrême veulent y retourner, bon vent à lui, on y croit ! Des hivernants de Concordia, mais aussi simplement des campagnards d’été de là haut, quelques hivernants de la TA69, des campagnards d’été de DDU, un groupe d’une bonne vingtaine de passagers a donc embarqué en fin de matinée sur le bateau ce mardi 21. Rendez vous au séjour à 10h pour les partants, on y était, bien sûr, assez nombreux. Une moitié est ensuite descendue en file indienne par la passerelle à l’abri côtier. Ca m’a rappelé cette même descente à la rotation de R2 le 23 janvier 2010, il y quasiment exactement 10 ans, quand j’ai quitté DDU à la fin de mon hivernage. Pas dans la file indienne, un peu en retrait, savourant une dernière fois, par un temps encore plus extraordinaire (plus de 7°C et pas de vent).
Arrivés à l’abri côtier, l’au-revoir, le vrai, entre ceux qui partent et ceux qui restent. Un moment spécial pour les survivants de la TA69, après 13 mois, voire davantage, de cohabitation. Il nous reste ce soir entre DDU et la base de Cap Prudhomme Claire, médecin, et Bastien, plombier de la TA69. Les 4 qui sont partis, Douglas et Virgil, ornithos, Guillaume, Lidar, Maëlle, second centrale, vont retrouver à Hobart des camarades partis avec l’Aurora, ça me rappelle des souvenirs, aussi. La fin du voyage est le début d’un autre. Envie de partir, mais pas envie, les souvenirs attachés au lieu, trop forts, évidemment, on ne s’en sépare pas comme ça. Moment émouvant, qu’on observe respectueusement, un peu en retrait. On dit au revoir à ces camarades de 6 semaines : les 4 de la 69 et nos campagnards d’été, et puis ils traversent à pied par la banquise restante pour rejoindre la piste du Lion, puis le bateau.
Je suis ensuite retourné au bureau météo m’occuper d’un ballon fort étrange, qui n’a cessé de ralentir pendant son vol, pour plafonner finalement après 2h40 de vol, sans éclater, à 29190m d’altitude, avant de redescendre mètre par mètre, toujours sans éclater. J’ai interrompu le suivi car il ne montait plus, mais il est tout à fait possible qu’il n’ait pas éclaté du tout et se soit dégonflé progressivement en retournant au sol, quelque part à 100km au sud-est de DDU, donc sur le continent. Déjeuner relativement calme, puis en début d’après-midi, retour du spectacle avec la manoeuvre de départ, que je suis descendu suivre à nouveau sur ces mêmes rochers idéalement placés à côté de l’abri côtier.
Cette fois, ceux à qui nous avions dit au revoir étaient tous sur le pont du bateau, à nous saluer, et réciproquement. Pabois, menuisier en campagne d’été avec qui j’avais joué de la musique au jour de l’an, a ressorti sa cornemuse médiévale et joué quelques airs pour les voyageurs, tandis que le bateau manoeuvrait et s’éloignait lentement, avec prudence, de nous. Belle ambiance, là aussi, conditions  ensoleillées, pas froides, léger vent, mais plutôt 10 noeuds que 15. En une demi heure, l’Astrolabe sortait en marche arrière du chenal, évitant une belle plaque de banquise qui s’était approchée la nuit précédente de lui, créant une hésitation à bord quant à la conduite à suivre : sortir pour éviter d’être coincé, ou pas ?
En regardant le bateau s’éloigner avec quelques hivernants, on s’est dit que, ça y est, R2 était passé. L’Astrolabe est attendu dans 2 grosses semaines à nouveau à DDU pour R3, qui sera une grosse rotation, qui emportera beaucoup de campagnards d’été et annoncera R4 et l’hivernage à venir. J’en ai parlé assez souvent ces derniers jours, avec les uns et les autres, de cette fameuse R4, dans pas si longtemps… Enfin, c’est un ressenti peut être très personnel mais j’ai l’impression que depuis quelques jours, pas beaucoup plus, la cohésion entre nous, de la TA70, est vraiment montée d’un cran, les choses deviennent plus claires. Il est certain que ce ressenti est lié au fait que je sens que j’ai trouvé ma place dans ce groupe, après pas mal de semaines un peu plus en retrait, en observation, mais je pense que c’est également vrai collectivement. On commence à se connaître vraiment bien, et je crois pouvoir dire qu’on s’apprécie globalement toujours autant, avec une belle ambiance, souvent joyeuse : que ça dure, longtemps ! Bonne mer à l’Astrolabe, et à bientôt !
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Commentaires
G
merci francois pour ce beau recit ......et une surprise pour la suite .....<br /> <br /> JULES DUMONT D'URVILLE a été a l'honneur ce 21 janvier 2020 avec le retour d e l'ASTROLABE et du fameux ballon sonde
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