Suspense...
Partira ? Partira pas ? Je parle de l'Astrolabe. Il était prévu pour
vendredi soir, mais on devrait être au coeur de la tempête (150km/
h ?), donc ce ne sera pas le cas. Ceux qui doivent partir sont prêts à
embarquer pour ce soir, 24h plus tôt, s'il le faut, sinon ce sera
samedi. En tout cas on est toujours sous la neige, ça commence à créer
de petites accumulations comme sur le séjour ce jeudi matin ou sur les
passerelles (voir photo). Il ne fait pas froid puisque ça gèle à peine
ce matin -0.1°C (-0.4°C au minimum cette nuit), et on a toujours des
rafales à 60-80km/h, hier soir on a atteint 100km/h temporairement.
En tout cas la perception du lieu change complètement par rapport au
début du séjour sous le plein soleil. Ca ressemble quand même
nettement plus à l'idée qu'on se faisait de l'Antarctique, avec son
blizzard. Evidemment on profite moins (quasiment pas) de l'extérieur
dans ces conditions... Hier soir, on se disait : et si tout
l'hivernage se passait comme ça, 8 mois enfermés à regarder la neige
soufflée par le vent par les fenêtres ? Bien sûr, ce ne sera pas le
cas, mais on va traverser ce genre de période de mauvais temps à
rallonge, avec 15-20°C de moins, il faudra bien continuer à s'occuper.
Les jeux s'organisent le soir au séjour, après le dîner, jeux de
cartes (tarot, poker) ou encore jeux de société. C'est une ambiance,
avec la tempête dehors, et quand ça soufflera plus fort, le bâtiment
tremblera en accord avec les rafales... On se sent bien peu de choses
dans ces cas là. De toutes façons, cette fabuleuse contrée vide
d'hommes nous remet vite à notre place, il n'y a pas de place pour les
orgueilleux.
Hier soir, petite promenade pour descendre du séjour à la cabane
Marret, la cabane historique des premiers hivernants sur l'île des
Pétrels, au début des années 50. Je descends le chemin, traversant les
manchots imperturbables malgré la tempête, le vent et la neige
fouettent mon visage. Au bout d'un moment, j'ai vraiment froid sur la
face exposée de mon visage, je me retourne pour diminuer la douleur
mordante de ce vent frais et humide (pas loin de 0°C !). Finalement,
j'atteins en pressant le pas la cabane où les hivernants de la TA58
qui restent ont organisé une petite soirée, peut être la dernière à
DDU pour ceux d'entre eux qui repartent avec le bateau. Ambiance
chaleureuse, on boit et on rigole, avec quelques TA59 aussi, des
campagnards d'été. Il y a une vingtaine de personnes dans cette
cabane, dire qu'à l'époque ils vivaient tout l'hiver dans un espace si
réduit, incroyable (j'en ai parlé dans une note du 28/12/08) !
Au
retour, je me fais pourchasser pour une raison inconnue par un skua,
ces oiseaux qui défendent redoutablement leur nid, toujours la
tempête, il fait sombre, je remonte la pente et j'arrive essoufflé,
trempé, au coeur de la base. Il est alors temps d'aller se coucher.
Drôle d'endroit.