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Itinéraires polaires
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16 août 2008

Deuxième quinzaine d'août

... les choses sérieuses vont commencer. Il était temps, peut être est-ce seulement maintenant que je commence à réaliser que je vais vraiment partir dans 3 mois et demi. Concrètement, je vide progressivement ma chambre pour quitter ma colocation à la fin du mois, revenant chez papa et maman pour les semaines qui resteront. L'occasion de réaliser que, finalement, j'étais pas là depuis si longtemps, que j'étais pas si mal ici, dans cet appartement qui me laissera un bon souvenir. Il est également déjà temps de réfléchir sérieusement à ce que je vais mettre dans les malles que je dois expédier début septembre, c'est là une activité pénible parce que je pense, sans doute naïvement, que je ne vais manquer de rien là bas... Ce voyage, cette perspective irréelle commence à prendre forme. Je vois naturellement cela comme l'aboutissement de tout un parcours sans savoir comment on vit un aboutissement. Comment préparer quelque chose qui est, d'une certaine façon, déjà réussi ? Enfin, je ne peux totalement exclure que je me trompe lourdement sur ce sujet, et qu'en définitive mon séjour antarctique se passe moins bien que prévu, même si j'y crois peu. Je n'en attends rien de particulier, du moins rien de plus que ce que je suis censé y trouver : un environnement exceptionnel à beaucoup d'égards, une aventure humaine peu banale. Petit intermède avec une photo que j'ai prise d'avion fin juillet en survolant les Alpes, parce qu'un billet non illustré est vraiment trop triste, et que la montagne ne doit pas avoir un aspect si différent en cette mi-août, avec la jolie trace d'un glacier en recul manifeste...
Mais revenons à cette deuxième quinzaine d'août, focalisons nous sur cet élément plus contextuel que le voyage lui-même, même si l'évolution de ma vision de ce voyage est naturellement quelque chose dont je veux garder une trace. Lundi prochain, dans deux jours seulement, ma remplaçante, fraîchement sortie de l'Ecole Nationale de la Météo (comme moi il y a un an, donc) arrive. Symboliquement, je passe donc en quelque sorte le témoin lundi, une autre amarre se détache. J'aime ces symboles, dont l'accumulation est un si bon révélateur de ce qui change. Parce que je l'ai souhaité, ma vie est donc en train d'évoluer sensiblement, et faute de savoir vraiment sur quel pied je veux danser, je continue à enchaîner les passes avec un objectif encore assez brumeux à mes yeux. Cette absence de but me trouble, car un bon petit élève comme moi n'a toujours fonctionné qu'avec des buts simples et bien définis. Mais peut être est-ce cela la vie, en tout cas ma vie (difficile de parler à la place des autres), une errance plus ou moins dirigée par des envies plus ou moins longues. En tout cas, je vois tellement de choses, de domaines intéressants à explorer, qu'en définitive, et bien qu'elle me trouble, j'aime cette errance. J'aime bien ce mouvement sans but, tant qu'il y aura des choses à apprendre, à construire, à transmettre, je pense que je pourrai croire au bonheur. Et heureusement il y en a et il y en aura toujours. C'est quand même déstabilisant, avouons le : une scolarité longue durée au cours de laquelle on apprend à répondre à des problèmes bien délimités dans des domaines bien délimités, et ensuite le grand saut dans la vraie vie où les domaines et les problèmes se retrouvent en quantité illimitée ! Sans doute aurais-je pu rester écolier/lycéen/étudiant toute ma vie, exécutant par là un plan simple qui m'a toujours apporté beaucoup de satisfactions. Un plan que d'autres, mes aînés, avaient choisi pour moi et toute une génération. Mais ce plan ne dure et ne doit durer qu'un temps, l'éducation nous apportant beaucoup d'outils pour, théoriquement, résoudre pas mal de problèmes dans un certain nombre de domaines. Le plan de cette nouvelle vie d'adulte, dont je ne remets décidément pas : pas de plan ! En Occident, on est libre de réussir ou de rater sa vie tout seul comme un grand ! Alors, faute d'avoir trouvé un plan, je passe les jours en essayant de faire ce qui me plaît, en essayant de faire un peu de bien autour de moi. Pas de plan : comme quand je commence à rédiger un billet tel que celui-ci, ça part sans grande conviction, sans avoir grand chose à dire, et finalement le cheminement de ma pensée m'amène quelque part, de façon inattendue. En l'absence de plan, toute décision est évidemment plus difficile à prendre, on est totalement responsable de soi-même, mais responsable pour quoi au juste ? Je n'ai toujours pas la réponse à cette question, le grand mystère de la vie est là, en l'absence d'un Etre Supérieur dont l'existence me paraît seulement plausible, on ne sait pas pourquoi on est là, et quoi faire dans cette vie. Surtout quand un Etat, une société ou un ordre religieux ne se charge pas de définir cela à notre place... Bon vent à tous les aventuriers et chercheurs de la Vie ! Particulièrement à ceux qui ne trouvent pas de réponses toutes faites. Ma route me mène vers les pôles, où il n'existe pas de réponse toute faite, où la (sur-)vie est un défi quotidien, formidablement aidé par les facilités modernes. Deuxième quinzaine d'août, l'été entre en phase terminale, gros soulagement pour moi, il n'y a pas eu de canicule en France, du moins dans le Nord du pays, si l'on excepte quelques jours bien chauds et difficilement supportables, on s'en est globalement bien tiré de ce côté là. Je pense que j'ai fait le plein de chaleur en vue des mois antarctiques à venir. De toutes façons, beaucoup de choses se jouent plus dans la tête que dans le corps. Deuxième quinzaine d'août, c'est là bas l'équivalent de notre deuxième quinzaine de février, l'hiver s'approche de son terme, les jours rallongent vite et le soleil se montre de plus en plus, je pense à nos prédécesseurs actuellement sur place qui sortent ainsi de l'obscurité, encore un beau symbole que nous offre, dans sa version la plus spectaculaire, la Nature sous les hautes latitudes. Ici en France, il est bientôt temps de se tourner vers la rentrée, cette rentrée à laquelle je pense encore alors qu'elle ne me concerne plus en rien. Mais ainsi sont écrites les choses ici, gravées dans le marbre, la société vit à un rythme scolaire immuable qui n'a, dans l'absolu, rien d'évident. Est-ce que ça sert à quelque chose de tout remettre en question ? Je l'ignore, c'est juste le cheminement de ma pensée. Pourquoi toutes ces normes de société alors que l'Etre humain a tant de diversité, de richesses souvent étouffées par la norme ? Je l'ignore. Pourquoi me voir comme une exception, une bizarrerie, alors que je n'ai fait que suivre le chemin qui me paraissait le plus cohérent jusqu'ici ? Je l'ignore. Décidément, avec le temps qui passe je deviens de plus en plus adepte de Zarathoustra. Pour aller où ? Allons ! Ne soyons pas défaitistes, je me pose toujours autant de questions, mais j'affine petit à petit des esquisses de réponses, sans lesquelles je ne serais pas là, sur le point de partir pour ce qui reste une petite aventure polaire. Parfois, il faut savoir être patient, je tends à l'être un peu plus en vieillissant, mais j'ai du mal, ça bout encore en moi. Je m'aperçois qu'au travers des titres de mes billets récents je multiplie les références temporelles. Comme beaucoup, c'est l'angoisse du temps qui passe, la flèche dirigée vers un avenir à peine esquissé. Cela dit, on y est presque, le compte à rebours symbolique des 100jours est proche, encore une petite semaine... A bientôt !
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