26 juillet 2008
Rien
Voici un résumé assez concis de ce qui m'attend pour les 6 prochaines semaines, ou plutôt, pour être plus précis, ce que j'ai de prévu. Parce qu'il est évident que je ne vais pas rien faire, d'une certaine façon c'est quelque chose que je ne sais pas faire. Disons que je n'ai aucun déplacement, aucun événement particulier de prévu jusqu'à mi-septembre, uniquement du temps libre, à côté de mes heures de travail (37 heures par semaines, ça laisse du temps).
Toutefois, c'est un état assez déconcertant parce que cela fait très longtemps que j'ai pris l'habitude d'avoir devant moi des échéances significatives à court terme. Là, ce n'est plus le cas, et je le vis très bien. Vraisemblablement parce que le grand départ m'attend maintenant dans à peine plus de 4 mois... Par ailleurs, je vais évidemment combler ce temps en faisant mille petites choses comme voir les amis qui seront présents en août à Paris, préparer de diverses façons le grand voyage, préparer sans doute aussi un petit voyage à l'automne, beaucoup moins loin (Grèce/Crète en ligne de mire), faire des petits développements informatiques très amusants et, je l'espère, utiles à d'autres.
Il ne s'agit donc pas, comme on l'aura compris, d'un rien angoissant, mais d'un rien stimulant par une foule de petits détails. Et puis, quelle liberté de n'avoir rien de noté à son agenda pendant tout ce temps ! J'ai trop souvent l'impression que nous sommes prisonniers du temps, là je me réserve la possibilité de décider de faire un petit quelque chose à la dernière minute, tout le temps, une forme de grand luxe ! Mais ce rien est probablement plus difficile à assumer qu'un agenda surchargé, il nous renvoie en effet à nous-mêmes, force un certain niveau d'introspection qui peut, par moments, se révéler stérile. Il demande un effort supplémentaire pour s'en affranchir, le vide entraînant le vide. Je comprends donc qu'il soit beaucoup plus confortable pour n'importe qui de s'employer à remplir autant que faire se peut son agenda.
Ce qui apparaît ainsi comme une contrainte, la constitution d'un agenda bien garni, est en fait une sorte de réflexe vital de civilisation. Peut être que ma capacité à accepter le néant vient de mon penchant certain pour l'ermitage. Car il s'agit bien, répétons le encore d'une autre façon, d'un rien apparent. C'est ce même rien que j'ai vécu pendant une année en Corse, seul dans notre belle maison de Penta, d'octobre 2003 à l'été 2004. J'en garde un souvenir ému, celui d'avoir su apprécier tant de choses incompatibles avec un agenda surchargé, j'ai eu la formidable opportunité de changer totalement ma perception du temps en fixant cette règle d'or dès le départ : rien de prévu. Et j'ai vécu tant de belles choses, à un rythme étrange, irréel sans doute aux yeux de beaucoup, mais bien réel et chargé de sens pour moi.
C'est, dans une moindre mesure bien sûr, le même genre de rien qui m'attend lors de ces prochaines semaines parisiennes, sans que je l'aie, cette fois, réellement désiré d'ailleurs. Mais tant pis ou tant mieux, c'est ainsi ! Je pense qu'on peut tirer une immense richesse de ces changements de rythme de vie, au cours de notre existence. Ce qui m'attend en Antarctique n'est sans doute pas un rien, mais plutôt un peu, quelques activités imposées et programmées dans un périmètre nécessairement limité par le lieu et son implacable isolement. Encore un changement de perspective, de rythme. Me lasserai-je un jour de cela ? Il faudrait que je perde ma curiosité, chose qui me paraît impensable, enfin dans la vie ma petite expérience m'a enseigné qu'on ne pouvait être sûr de rien. Je m'en tiens donc officiellement à cette prudente attitude.
Finalement, il peut jaillir pas mal de choses d'un simple rien, comme on le voit dans ces lignes, pour faire un petit jeu de mot je pourrais également ajouter qu'on voit qu'un rien m'inspire ! C'est tout l'intérêt de ce rien factice, parce que non, vraiment, je n'arrive pas à rien faire. D'ailleurs c'est pour cela que je ne me suis jamais ennuyé, ou que ce soit, même enfermé/immobilisé, l'esprit voyage et continuera, espérons le, bien longtemps à le faire.
On voit donc bien que le plus terrible n'est clairement pas de n'avoir rien de prévu, mais aucune perspective, ce qui est assez différent. Plutôt que de vouloir être, à la Sarkozy (désolé de politiser légèrement le débat à ce stade, mais la comparaison me semble pertinente !), tout le temps dans l'action voire l'hyperaction, sans trop savoir finalement vers quoi on va, il vaut mieux se contenter de moins d'action et chercher à dégager des perspectives, des lignes directrices, des grands axes qui servent, le moment venu, de moteurs. Le parallèle politique m'apparaît pertinent car, en raison de la fréquence trop élevée des échéances électorales, l'homme politique n'a bien souvent pas l'envie de dégager ces perspectives pourtant vitales pour guider la communauté de destins que forme une société. C'est une des raisons pour laquelle un engagement politique ne me semble pas opportun, alors que je me suis parfois posé la question.
Toutefois, et puisque ce billet est parti d'un rien finalement très fécond, tout à fait dans l'esprit de ceux que je chéris, je m'autorise une petite digression politique pour redire toute mon admiration pour Barack Obama. J'ai été fasciné début janvier par ses premiers exploits dans les primaires démocrates, et depuis j'ai suivi de façon plus ou moins distante sa campagne. Au delà des erreurs inévitables, des stratégies purement électoralistes, je suis moi aussi sous le charme de cet homme d'un genre actuellement peu représenté parmi ceux qu'on appelle les "grands de ce monde". Je n'ai pas souvenir d'avoir vu récemment un homme politique qui inspire autant de bonnes choses, qui dégage autant de perspectives avec un talent/charisme certain. Dans un monde souvent désabusé et cynique, l'accession au pouvoir d'un tel symbole aurait certainement des répercussions positives.
Alors je souhaite bonne chance au sénateur Obama pour l'élection de début novembre que je suivrai avec passion, peu de temps avant mon départ. L'implacable réalité ne lui permettra probablement pas de justifier par les faits toutes ses belles paroles, mais nul doute qu'il restera forcément quelque chose, comme remède anti-Bush, on pouvait difficilement trouver meilleur candidat, et ça c'est important !
Puisque le néant faisant l'objet de ce billet m'autorise moult digressions, je quitte Obama pour m'intéresser aux Etats-Unis, un pays qui continue de me fasciner, et qui semble plus que jamais décidé à s'engager dans la bataille écologique avec l'initiative d'Al Gore qui veut produire toute l'électricité américaine à partir d'énergies renouvelables en 10 ans ! Saluons là ce projet probablement aussi ambitieux qu'irréaliste, mais qui a le mérite de dresser des perspectives. On sent qu'on est plus très loin d'un véritable basculement, et les US pourraient montrer une nouvelle fois, à cette occasion, leur formidable capacité d'adaptation et de mutation. On ne pourrait rêver meilleur symbole : le premier pollueur mondial prendrait l'option la plus audacieuse en matière écologique, ce serait un message et un encouragement formidable pour le reste de la planète. Go Al Gore !
Le temps est maintenant venu pour moi de retourner rien faire, d'une autre façon. Ainsi va la vie, demain m'attend un autre rien. Peut être que celui-ci m'inspirera autant que celui du jour, mais il est si agréable de ne pas savoir exactement quelle sera sa nature... Une chose est certaine, soit j'attends l'inspiration, soit je me mets à écrire, et dans ce dernier cas, je passe un vrai bon moment, plus le temps passe et plus j'aime écrire. Je ne sais toujours pas si ça sert vraiment à quelque chose, si ma vie sert vraiment à quelque chose. Dans le doute, je continue. A bientôt, je repars dans le douillet néant.
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