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Itinéraires polaires
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25 mai 2008

Eurodivision

Comme un nombre élevé de millions d'européens, j'ai regardé ce samedi soir la 53ème édition du grand concours européen de chanson : l'Eurovision. Souvent raillé, à juste titre, pour la piètre qualité musicale proposée, celui-ci nous réservait un élément nouveau de choix cette année : la France était représentée par le talentueux Sébastien Tellier. Autant le préciser tout de suite, je ne saurais être objectif au sujet de Tellier car je suis fan depuis un bout de temps. Son dernier album, sorti cette année et intitulé Sexuality est fort justement salué par la critique. En tout cas, France 3 l'a désigné courant mars pour porter haut les couleurs de la France lors de cette 53ème édition qui se déroulait en Serbie, à Belgrade. Ce choix particulièrement audacieux ne s'est finalement pas révélé payant : la France a fini le concours 18ème sur 25, en récoltant cependant le plus grand nombre de points depuis 5 ans, il faut dire que nos artistes avaient pris la fâcheuse habitude de prendre des gamelles mémorables. Au vu du résultat, il serait exagéré de prétendre que ce résultat est bon pour Tellier, il est même décevant. Il est, par ailleurs, révélateur d'un triste fait qui a vraiment pris corps hier soir : l'Europe est complètement divisée. La répartition des votes hier soir était caricaturale : tous les pays de l'Est, principalement, ont voté pour leurs voisins, de façon systématique. J'entends bien l'argument qui consisterait à dire que ces gens sont naturellement plus sensibles à un style de musique d'un pays voisin de culture voisine. Seulement, ça ne marche pas : un grand nombre chantaient en anglais, le style de musique étant franchement mondialisé et très rarement traditionnel/représentatif du pays. On a ainsi eu droit à des choses assez amusantes, la Bosnie a voté pour la Serbie, et réciproquement, la Croatie pour les deux précédents cités, la Macédoine pour les 3 précédents, idem pour l'Albanie, la Grèce, etc... Une caricature géopolitique, qui révèle malheureusement un bien triste fait : le bide des "grandes nations" d'Europe de l'Ouest que sont le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France dans une moindre mesure, n'est hélas pas seulement imputable aux (éventuellement) piètres prestations de leurs représentants : ces pays sont jalousés et probablement peu appréciés du reste de l'Europe. Or on sait bien qu'il y a une constellation de petits états en Europe de l'Est, qui envoient donc logiquement leurs points sur leurs voisins régionaux, quasiment sans en lâcher le moindre vers les pays de l'Ouest, les 3 grands pays du Nord-Ouest de l'Europe, disons. Ce qui est donc extrêmement décevant dans cette affaire, c'est que tout cela sentait le nationalisme à plein nez... Si on était tenté de croire naïvement comme moi que cela se jouerait vraiment sur la prestation des artistes, quelle déception ! A un moment donné, la Biélorussie annonçait ses votes, j'ai pris les paris qu'ils mettraient leurs 8, 10 et 12 points à la Russie, l'Ukraine et je ne sais plus quel autre et ça n'a pas manqué. Apparemment c'est comme ça chaque année, c'est sans doute la première et donc dernière fois que je suivais ce non-événement. Cela dit, le but était certainement d'offrir à tous ces artistes, et notamment à Sébastien Tellier, une visibilité médiatique d'un ampleur sans précédent. J'espère que nombreux auront été sensibles à sa musique décalée et kitsch... En plus, il faut bien reconnaître qu'il n'a pas été vraiment aidé par le réalisateur qui faisait des plans bizarres sur ses chaussures, ou sa veste, quand il ne se retrouvait tout simplement pas hors cadre !

Tout ceci révèle donc à quel point il semble vain d'espérer une Europe politique dans un avenir proche, on voit bien qu'il persiste un fort "bloc de l'Est" encore centré autour de la Russie dans la partie orientale de notre vieux continent. L'idée européenne, le rêve européen, une des choses les plus belles qui a émergé de l'horreur des guerres fratricides du XXème siècle, semble de plus en plus inaccessible... L'union économique s'est réalisée finalement sans trop de difficulté, en consultant les peuples concernés a minima, mais on est sans doute à des années-lumière d'une union politique. Il y a trop d'intérêts nationaux en jeu, et surtout beaucoup trop de nationalismes comme dans la région des Balkans pour espérer passer outre ces fortes résistances et construire quelque chose de plus grand dans un avenir proche. Les récentes tensions autour de l'indépendance du Kosovo l'ont bien montré : la région reste hélas une véritable poudrière pourrie par l'ultra-nationalisme. La Russie défend bec et ongles son influence régionale, en ayant bien souvent des intérêts aux antipodes de ceux de l'Union Européenne, ou du moins des pays de l'Ouest. Je ne sais donc pas en définitive si j'ai bien fait de suivre cette 53ème édition, c'était finalement assez déprimant, tant pour le résultat lui-même que sur la forme qu'il a pris. Peut être que si on avait jusqu'ici essayé de construire l'Europe davantage avec le peuple, plutôt que se contenter de monter des structures technocratiques régulant un simple marché commun, on n'en serait pas là. Au stade où nous en sommes, je ne vois pas trop ce qui pourra nous relancer. Europe des peuples, qui/où es tu ?

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