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Itinéraires polaires
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14 février 2007

Le sujet du moment...

En ce mercredi 14 Février, il est légitime de parler de ce grand sujet d'actualité, celui qui occupe notre pensée à tous : je parle bien sûr du réchauffement climatique (désolé, c'est le seul sujet sérieux du jour que je vois !).

Mon avis sur le sujet est nécessairement contrasté et assez partagé. Une partie de moi-même, le scientifique, est tout à fait au courant des derniers résultats, des projections qui ne nous réservent objectivement rien de fameux pour le futur, au contraire, cela alimente des craintes, des inquiétudes réelles. Une autre partie de moi-même, le passionné de météorologie, rentre dans cette ère avec une certaine excitation : il est à peu près certain que des événements météorologiques rarement vus et d'une certaine ampleur vont se produire, des choses passionnantes à suivre et à observer en perspective. Difficile de trancher parfaitement entre ces deux approches, tant je suis autant scientifique que passionné.

Partant de ce constat, quel discours tenir sur le sujet ? Celui du scientifique, ou celui du passionné ? Celui du scientifique risque d'une part d'intéresser davantage de monde, et surtout d'être bien plus écouté, parce que j'ai une relative légitimité depuis mon entrée à Météo-France. Celui du passionné ne peut probablement être compris que par d'autres passionnés, espèce assez rare malgré tout dans l'Humanité... Ainsi, je vais quelque peu laisser de côté mon habit de passionné, de fana de records météorologiques en tous genres, pour me pencher vers l'aspect plus rationnel de la chose. Mon statut de passionné m'apporte au moins un avantage certain : je suis de très près tout ce qui se passe (ou du moins tout ce qu'on peut suivre) au niveau météo sur la plus grande partie du globe possible. Et de tous ces constats, le scientifique tire des enseignements.

S'il était encore permis d'en douter, j'observe dans les nouvelles purement météorologiques quasiment quotidiennement une pluie de records de douceur, voire de chaleur, tandis que les records de froid semblent une espèce vouée à une disparition proche. Sans exagérer, sur tous les records que j'ai vus passer depuis 3 ans que je suis de près l'actualité météo, il y a un rapport de 10 records de chaleur pour 1 record de froid. Cette simple constatation fait froid dans le dos (enfin, on devrait dire "chaud dans le dos" en l'occurence !). Au delà des rapports scientifiques, aussi brillants soient-ils (et ils le sont, n'en doutons point, même si certains sont teintés de politique), il y a les constats que je fais par ce biais. Quand bien même je souhaiterais me rassurer en voyant de temps en temps passer un ou plusieurs records de froid (comme l'hiver dernier en Australie du Sud, très froid), par la suite une avalanche de records de chaleur vient annuler cette lueur d'espoir.

En effet, dans un monde qui se réchauffe, voir tomber des records de froid fait du bien, cela donne quelques espoirs que le réchauffement ne soit pas si grave que cela. Et cela prouve surtout, notion sans doute peu présente dans l'esprit du "grand public", qu'un réchauffement climatique n'est en aucun cas un phénomène constant et linéaire, mais procède au contraire par accoups. On a une année assez chaude, puis une année moins chaude (moyenne, dans les normales, disons), puis une année très chaude, etc... Ainsi, il est clair qu'à court terme au moins, une vague de froid assez sévère reste et restera possible en France l'hiver, c'est indirectement lié au réchauffement. Bien sûr, si le réchauffement devenait démentiel (+5°C en moyenne), cette probabilité deviendrait infime, mais on en est encore bien loin, heureusement en un sens.

Et c'est là en effet un des noeuds du problème, je vais essayer d'être honnête sur ce sujet, même si c'est loin d'être politiquement correct : les conséquences réelles de ce réchauffement sont assez loin d'être connues, malgré toutes les fourchettes de température qu'on propose ces derniers temps dans les médias. Pour une raison très simple : les modèles mathématiques qui calculent ces évolutions du climat représentent encore assez mal des phénomènes qui ont un impact massif sur le climat comme les nuages bas par exemple. On ne sait vraiment pas trancher à l'heure actuelle les questions suivantes : 1) Y aura-t-il davantage de nuages bas dans un climat plus chaud ? 2) S'il y en a davantage, est-ce qu'en bloquant les rayons solaires ils refroidiront alors le climat terrestre ?

A ma connaissance, ce sont là des questions encore ouvertes, dont la réponse réelle que nous donnera la Terre pourrait influencer le climat global dans des directions aujourd'hui mal prévues par les modèles de climat. Et il faut bien ajouter pour être honnête, que des centaines de labos dans le monde, dont celui où je bosse en ce moment, voient leur financement dépendre des avancées et des résultats produits en matière de recherche climatique. En clair, ils ont intérêt à publier des conclusions, même si elles sont partielles ou peu solides. Cela dit, attention, qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit : ces modèles ne peuvent pas être complètement dans le faux, et leurs résultats, même très imparfaits (beaucoup plus que la propagande médiatique ne le laisserait supposer), méritent d'être considérés avec sérieux et attention.

D'abord parce que même si les incertitudes réelles et potentiellement importantes subsistent sur certains points, la base sur laquelle ils reposent est solide. Dans de nombreux domaines liés au climat, on a fait d'énormes progrès récemment qui améliorent vraiment notre connaissance du fonctionnement du système Terre. Ensuite, parce qu'ils apportent, malgré tout, des visions un peu plus concrètes de ce à quoi pourrait ressembler notre futur si nous n'agissons pas. On voit bien que toute la subtilité réside ici dans ce conditionnel "pourrait". En réalité, on n'en sait pas grand chose.

Une chose est absolument certaine : nous sommes en phase de réchauffement marqué actuellement, et si cela venait à s'accélérer comme nous en voyons d'ores et déjà quelques signes précurseurs, il y aurait tout lieu de s'inquiéter de cet emballement de la machine climatique, emballement dont les conséquences sont imprévisibles (et donc, potentiellement horribles, ou pas). De toutes façons, ne serait-ce que pour des raisons de lutte anti-pollution, il est très important de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, de changer notre consommation démentielle d'énergie, chez nous autres pays industrialisés. Mais là encore, dans le domaine du climat comme tant d'autres, je souhaite que nous puissions garder un oeil critique sur l'information, la propagande trop souvent, que nous font subir les médias.

On comprend bien qu'il est cependant difficile de communiquer sur un sujet aux composantes aussi complexes et diverses, et potentiellement aussi grave, en mettant trop en lumière toutes les insuffisances actuelles de la science. Si l'on procédait ainsi, la "mobilisation de masse" s'en trouverait probablement affaiblie. C'est faire peu de cas de l'intelligence individuelle, de la capacité de discernement de chaque individu, mais cela ressemble hélas trop à notre société actuelle, asservie à l'information/communication de masse, par l'image notamment. Eh bien, pour ma part, je fais le pari que les quelques lecteurs de mon blog auront cette capacité, et sauront retenir de mon propos qu'il faut absolument agir, en dépit des incertitudes, pour redonner un sens à notre destinée humaine, d'une façon générale.

Bonne fête aux Valentin et Valentine !
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